Publié le 06/06/2023 par Nathalie Strauch | Mis à jour le : 08/04/2024 | 14 min de lecture
Sujets : Empreinte carbone, Énergie, Environnement, Géomarketing, nouveautés, RSE, Transition écologique
La valorisation des déchets : un enjeu majeur pour l’économie circulaire.
La valorisation des déchets est devenue un enjeu crucial dans les domaines environnementaux, économiques et juridiques. Il existe ainsi de nombreux acteurs publics et privés impliqués dans le traitement des déchets : l’état fixe le cadre juridique et détermine les financements possibles, les collectivités locales sont en première ligne pour la gestion et la revalorisation énergétique des déchets, qu’elles confient à des sociétés privées spécialisées.
Aujourd’hui, c’est environ 340 millions de tonnes de déchets par an qu’il s’agit de gérer en France. Les enjeux sont donc colossaux, d’autant plus que la prise en charge des déchets se complexifie et s‘enrichit : de la notion basique collecte/traitement, on est passé à des notions de récupération et de valorisation des déchets sous diverses formes qui s’inscrit dans le sujet plus large de l’économie circulaire.
Comment est-on passé du traitement des déchets à la valorisation des déchets ?
Des modifications en lien avec l’obligation de passer à une économie circulaire.
Désormais c’est toute la chaine qui est impactée : le réchauffement climatique, les enjeux environnementaux, la pression sur les ressources naturelles obligent à sortir du modèle linéaire « extraire, fabriquer, consommer et jeter ». C’est en premier lieu le « fabricant » qui devient responsable des déchets et de leur traitement dans un cadre juridique de plus en plus strict mis en place aussi bien par l’État que par l’Union européenne.
En début de chaine, les « fabricants » doivent intégrer les notions d’écoconception et de réemploi pour limiter l’exploitation des ressources naturelles et des matières premières primaires d’une part et le gaspillage d’autre part. C’est pourquoi le traitement des déchets s’est modifié et enrichi pour tendre vers la valorisation des déchets : ils changent alors de statut pour devenir une ressource (énergie, recyclage, matières premières secondaires, …).
Cette modification du statut des déchets est à mettre en relation avec la question environnementale, désormais sur le devant de la scène et au cœur des médias, objet de réflexions croisées tant au niveau politique que sociétal. Le cadre réglementaire et législatif impose aux entreprises de prendre en compte la RSE et de travailler à la diminution de leur bilan carbone.
Que représentent les déchets en France ?
Chaque année en France, ce sont 340 millions de tonnes de déchets qui doivent être valorisés :
- Environ 65 % proviennent des activités de BTP,
- Environ 20 % sont des déchets d’entreprises,
- Environ 13 % sont constitués des déchets ménagers (ordures ménagères en poubelle noire, tri sélectif en poubelle jaune, collecte séparée pour le verre, les encombrants ou en déchetterie, …). Ils proviennent des ménages, mais aussi des petites entreprises ou des collectivités locales, qui en ont la charge.
La multiplicité des déchets justifie les nombreuses valorisations ou recyclages dont ils font l’objet :
- production de matières premières secondaires,
- méthanisation ou compostage de biodéchets,
- incinération des déchets ménagers pour production de chaleur,
- production de combustibles ou de gaz réutilisés dans des réseaux de chaleur, dans des industries ou dans des transports en commun.
- …
Dans cette chaine de plus en plus complexe de la valorisation des déchets, les intervenants sont nombreux et variés. Ils comprennent évidemment les structures publiques : l’Etat (garant de la loi), les collectivités locales chargées de la gestion proprement dite, des organismes institutionnels comme l’ADEME ou des éco-organismes qui s’occupent de prendre en charge les déchets d’un secteur. Les traitements des déchets sont effectués par des industriels qui, en bout de chaine, revendront leurs déchets valorisés (sous différentes formes) à des utilisateurs finaux. C’est dire si le secteur est complexe.
Réseau d’électricité autour d’un méthaniseur
Une contrainte législative forte en faveur du recyclage des déchets
En février 2020, la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) a été votée. Elle « entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat. » L’objectif de cette loi est de contraindre toutes les parties prenantes à sortir du modèle d’économie linéaire longtemps en vigueur (produire pour consommer puis jeter) qui épuise les ressources pour se diriger vers une économie circulaire plus vertueuse qui favorise la réparation, le recyclage et la valorisation des déchets. Cette nouvelle vision est aussi un moyen d’améliorer le bilan carbone et de faire de la RSE un pilier de la gestion des entreprises.
En janvier 2023, un nouveau volet de la loi AGEC est entré en vigueur, autour de 5 directions majeures :
- Arrêter le plastique jetable
- Informer les consommateurs
- Lutter contre le gaspillage
- Sortir de l’obsolescence programmée
- Produire mieux.
On comprend donc que les industriels doivent changer leur mode de production et s’intéresser de plus près aux déchets qu’ils contribuent à générer afin de diminuer globalement la quantité de déchets produite et augmenter, dans celle-ci, les déchets valorisés ou recyclés. C’est dans ce cadre que les filières REP (responsabilité élargie du producteur) ont pris un poids majeur.
Les filières REP concernent tous les types de produits, aussi bien pour la consommation des ménages que pour l’industrie. La philosophie des REP est basée sur le principe du pollueur / payeur : dans une filière donnée, les producteurs, transformateurs, distributeurs, … ne peuvent plus se décharger de leur responsabilité à l’égard de leurs produits mais doivent les « gérer » tout au long de leur cycle de vie. L’objectif est de favoriser la prévention des déchets en incitant à une production vertueuse en ce qui concerne l’utilisation des ressources, permettre la réparation pour étendre la durée de vie du produit et enfin gérer les déchets c’est à dire leur recyclage et leur valorisation.
Un exemple de REP : la valorisation des déchets du bâtiment
La création d’éco-organismes dédiés pour aider au traitement et à la valorisation des déchets
Le secteur du BTP produit énormément de déchets. Pour être en adéquation avec la loi, les intervenants de ce secteur se sont regroupés pour créer des éco-organismes à but non lucratif chargés de favoriser l’écoconception mais surtout de collecter, recycler et valoriser les déchets de la filière pour entrer dans un processus d’économie circulaire. Les producteurs choisissent d’adhérer à un éco-organisme (il y en a 4 : Ecomaison, Ecominero, Valdelia et Valobat) auquel ils versent une éco-contribution, en fonction de l’activité de l’entreprise et surtout du coût de gestion des déchets. Ceux-ci doivent être tous collectés, triés puis « gérés », c’est à dire acheminés vers des filières de réemploi, ou recyclés ou valorisés sous des formes différentes (chaleur, …).
C’est l’éco-organisme qui est responsable pour ses entreprises adhérentes et donc chargé de la valorisation de leurs déchets. Plus celle-ci est lourde, plus la participation financière est élevée : les entreprises, si elles veulent limiter les frais, doivent donc se pencher activement sur l’écoconception de leurs produits, pour faciliter, en fin de vie, la gestion de leurs déchets, que ce soit en quantité ou en termes de valorisation.
On voit donc dès lors la complexité du système de valorisation des déchets : il s’agit pour les éco-organismes de :
- visualiser leurs adhérents et leurs productions,
- connaître les acteurs de la collecte des déchets (il en existe environ 600 en France…), de leur valorisation et de leur recyclage en fonction de leur spécialisation et de leur capacité de production,
- analyser les données du secteur bâtiment, c’est-à-dire les permis de construire pour suivre les surfaces créées, démolies ou transformées et évaluer ainsi le potentiel de déchets à traiter,
- gérer les flux, en particulier l’acheminement des déchets vers les différents acteurs de la collecte, puis du lieu de traitement vers le lieu de réemploi. Une contrainte supplémentaire est à prendre en compte : les zones ZFE-m (zones à faible émission mobilité) dans les grandes agglomérations : les véhicules doivent être peu polluants sous peine de possibles restrictions de circulation.
Cartographie de la part des poids lourds verts en Ile-de-France en 2020.
Le géodécisionnel au service de la gestion et de la valorisation des déchets du bâtiment
Se dessine nettement une problématique de maillage du territoire : pour tel chantier, il convient de trouver les acteurs du recyclage les plus proches en fonction des matériaux à prendre en charge et de la capacité de traiter les quantités demandées. S’ajoutent des notions de proximité pour minimiser les coûts de transport. L’emplacement géographique de l’unité de traitement joue également un rôle pour le réemploi des déchets valorisés.
Enfin, il s’agit de minimiser les déplacements entre les centres de production et les centres de réemploi : par exemple en cas de production de remblais pour les routes, le coût de traitement sera forcément différent selon que l’on peut utiliser les matériaux à proximité ou non.
Le géodécisionnel est donc indispensable pour gérer au mieux les nombreux paramètres de la valorisation des déchets. Les solutions Articque proposent des modules tels que les isochrones (calculs de temps d’accès), le barycentre (pour optimiser l’implantation d’un nouveau centre de valorisation des déchets par exemple), les distances routières (avec des options poids lourds) pour l’acheminement des déchets. Enfin, avec les tableaux de bord géographiques, on peut tester ses hypothèses et valider la plus adéquate en tenant compte de facteurs variés (distance, capacité de traitement, coûts d’acheminement…).
On l’a vu : la valorisation des déchets se complexifie dès lors qu’on entre dans une économie circulaire ; il est donc indispensable d’utiliser des outils performants comme ceux d’Articque. Ils prennent en compte des critères géographiques permettant de voir d’un coup d’œil les tenants et les aboutissants du retraitement et du réemploi des déchets, depuis la source de « production » jusqu’à l’utilisateur final.
Retraitement et valorisation des biodéchets : une obligation légale
L’obligation de traiter tous les biodéchets dès 2024
Un biodéchet est un déchet biodégradable non dangereux d’origine végétale ou animale. Il est constitué de déchets verts, restes alimentaires, qu’ils proviennent des ménages ou des professionnels (restaurants, magasins, cantines, industriels de l’alimentaire, …).
La loi AGEC a imposé 2 échéances phares :
- tout d’abord, dès le 1er janvier 2023, les producteurs ont dû trier leurs biodéchets pour les valoriser dès qu’ils produisent plus de 5 tonnes annuelles ;
- à partir du 1er janvier prochain, tout le monde devra trier ses biodéchets, y compris les particuliers.
Comme ce sont les collectivités locales qui sont en charge de la collecte et du retraitement de ces déchets, elles sont donc dans l’obligation d’étudier précisément les solutions à mettre en œuvre pour trier les biodéchets puis les traiter dans des centres de valorisation adaptés. Cette mesure s’inscrit évidemment dans un processus d’économie circulaire, mais favorise aussi grandement l’amélioration du bilan carbone. Pour les entreprises qui y participent, elle entre clairement dans leur RSE.
On voit la complexité du sujet : pour les ménages, les biodéchets devront faire l’objet d’une collecte séparée des ordures ménagères classiques. Chez les industriels ou les distributeurs, les biodéchets peuvent être conditionnés et il faut alors les sortir de leur contenant avant de les intégrer à la masse globale des biodéchets : il faut ainsi par exemple vider les conserves périmées (puis traiter les boites de conserve ou les pots de verre). De plus, la collecte se fait principalement en zone urbaine ; il y a donc nécessité à regrouper tous les biodéchets avant de les envoyer dans les centres de valorisation.
Comment optimiser la valorisation des déchets : focus sur la valorisation des biodéchets
Les biodéchets peuvent faire l’objet de différentes valorisations :
- transformation en compost pour amender les sols,
Cartographie des points d’apport volontaire (PAV) à Paris
- production d’énergie par méthanisation pour obtenir un biogaz. Celui-ci peut être valorisé en électricité ou en chaleur, pour alimenter des industriels ou des réseaux de chaleur ou bien encore en biocarburant utilisable par les collectivités locales dans leurs flottes de véhicules (bus, balayeuses, …).
Cartographie des sites de méthanisation sur la couronne parisienne
Il faut donc pour gérer au mieux ces biodéchets, identifier les plateformes de regroupement, les centres de traitements avec leur taille et leurs spécificités (exemple : traitement ou pas des sous-produits animaux, spécialisation en produits agricoles) zone de compostage simple ou zone mixte, caractéristiques des déchargements, taille des installations, …
Le recyclage du biogaz n’est intéressant qu’au niveau local d’où la nécessité de se rapprocher des flottes de véhicules pouvant utiliser le biocarburant et situées à proximité des unités de traitement. Et le biogaz est logiquement produit en grandes quantités dans les unités des grandes agglomérations avec le plus de biodéchets. Ce sont justement ces agglomérations qui sont actuellement concernées par les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). L’utilisation du biocarburant dans les flottes de véhicules est donc un bon moyen d’échapper aux restrictions potentielles de circulation des véhicules polluants. Cette contrainte va concerner les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici 2025.
Cartographie de la part des transports en commun verts (gaz, hydrogène, électricité, hybride) en Ile-de-France en 2020
De même, l’obligation qu’ont les états membres de l’Europe de réaliser des cartes des besoins de chaleur prend tout son sens : on identifie par exemple les zones à fort besoin de chaleur proches d’un centre de traitement.
Tous les intervenants dans le traitement des biodéchets ont donc besoin d’un outil géodécisionnel comme ceux proposés par Articque. Ils permettent de localiser les centres de transfert, de traitement ou de stockage (avec les fiches au clic, on connait leurs spécificités et leurs capacités de traitement), de définir des potentiels d’approvisionnement, en tenant compte du transport avec les isochrones. Il est également facile d’intégrer des données : données Sirene incluses dans les solutions pour géolocaliser les gros producteurs, données d’immatriculation des véhicules de transport public pour trouver des débouchés au biocarburant produit à proximité, données de l’ADEME pour prévoir l’installation d’un centre de traitement en gérant les approvisionnements et la capacité. Le géodécisionnel est donc un excellent moyen d’optimiser la collecte, le traitement, puis la réutilisation énergétique des biodéchets car elle permet de représenter tous les aspects de la question : spécificités de centres de traitement, transport, transformation, réutilisation, …
Conclusion
La valorisation des déchets est un sujet extrêmement complexe qui revêt de très nombreux aspects. Certains n’ont pas du tout été abordés, comme l’incinération des déchets non dangereux, l’enfouissement des déchets dangereux (amiante par exemple), le traitement des combustibles solides de récupération, etc. Indispensable pour favoriser l’économie circulaire et diminuer le bilan carbone, le traitement des déchets implique toute la chaine de « production » : les particuliers doivent trier leurs déchets ; leur communiquer la cartographie des points d’apport volontaire (par typologie) et des déchetteries est une nécessité. Les collectivités locales, responsables de cette collecte et du traitement, doivent transformer ces obligations liées à la transition énergétique en opportunités pour leurs territoires. Les industriels bénéficient de collectes et de traitements spécifiques dans le cadre des filières REP et ont intérêt à s’engager dans un processus vertueux en lien avec la RSE qui peut leur éviter des frais. Enfin, il va sans dire que les sociétés de traitement des déchets, comme celles chargées de la collecte, de l’acheminement ou de la redistribution des biogaz, etc sont directement impactées par l’aspect géographique de la question. Le géodécisionnel permet à tous ces intervenants de gérer cette complexité en prise avec le territoire, tout en tenant compte de données impactantes : implantation des industries productrices, possibilités d’acheminement, …